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Serge BRENTRUP, pourquoi AUE ?

Serge BRENTRUP est Inspecteur général de l’administration du développement durable au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD – Ministère de la Transition écologique), après avoir été architecte des bâtiments de France, chef des services territoriaux (aujourd’hui Unités départementales de l’architecture et du patrimoine - UDAP) de Paris (75), du Bas-Rhin (67) et du Haut-Rhin (68).

Entretien réalisé par David Bouillon le 13 avril 2021.


Comment avez-vous découvert ce métier et le poste d’AUE ?


J’ai découvert l’existence de l’architecte et urbaniste de l’État (AUE) après avoir connu et fréquenté les architectes des bâtiments de France (ABF). En 1993, la fusion des corps des ABF et des UE (Urbanistes d’État) a été effective avec un concours unique d’architecte et urbaniste de l’État, mais mon intention première était bien de passer le concours d’architecte des bâtiments de France, c’était en l’an 2000.


Pourquoi avoir choisi ce métier ?


Je suis venu à l’architecture par le patrimoine. Et curieusement je suis retourné au patrimoine après l’architecture. Ce qui était important pour moi c’était de devenir ABF. J’ai découvert qu’au-delà de cette dimension patrimoniale, la dimension de l’architecture et de l’urbanisme, c’est-à-dire l’aménagement et le territoire, étaient tout aussi importants et intéressants. Je me suis donc ouvert à cette mission d’architecte et urbaniste de l’État en élargissant les missions dévolues à celles de l’architecte des bâtiments de France.


En quoi votre expérience antérieure vous a conduit à ce poste, ou enrichit votre métier aujourd’hui ?


Au moment de passer le concours d’ABF, j’étais architecte civil en charge du patrimoine de la circonscription militaire du sud de la France, sur un vaste périmètre d’exercice qui allait de Nice à Perpignan en passant par la Lozère et la Corse. Une mission de suivi du patrimoine des Armées, notamment là où il était protégé par la loi de 1913 ou celle de 1930, qui me mettait donc en relation directe avec les acteurs du patrimoine et du paysage et en tout premier lieu les ABF du sud de la France. En travaillant avec eux, je suis arrivé à la conclusion que c’est ce que je voulais vraiment faire ! J’ai passé le concours 7 ans après mon arrivée au ministère des armées.


Quels sont pour vous les points forts du métier ?


Je pense que c’est une vraie mission. Je ne sais pas si on peut parler de sacerdoce, mais il faut être passionné, sinon on ne tient pas ou on est malheureux. Ce n’est pas un métier que l’on fait par hasard, c’est un engagement. La mission d’intérêt public est primordiale, cette mission prévaut sur tout.


Lorsqu’on choisit la spécialité patrimoine au moment du concours d’architecte et urbaniste de l’État, on doit réaliser que l’on aura un des derniers pouvoirs régaliens de la République. C’est un pouvoir, un pouvoir discrétionnaire. L’architecte des bâtiments de France porte la parole du ministre, il signe en son nom. On engage sa responsabilité intuitu personæ. C’est donc quelque chose qui est inhérent et intrinsèque à la personne.


Sur le volet conservation des grands monuments historiques classés de l’État, on porte également cette responsabilité. Il faut prendre cette dimension en compte, car elle vous accapare 24H/24, notamment quand on est responsable unique de sécurité d’une cathédrale ou d’un palais de la République : je l’ai connu en tant que conservateur du Palais du Rhin à Strasbourg.


Il s’agit véritablement de porter la voix de l’État au nom du ministre de la Culture, un peu comme les préfets la portent, mais sur un champ plus « restreint », à savoir celui du paysage, du patrimoinearchitecture, de l’urbanisme, mais aussi et de plus en plus, celui de l’environnement.



Façade est du Palais du Rhin, Strasbourg. Il abrite notamment les locaux de la Direction régionale des affaires culturelles Grand Est et l’UDAP du Bas-Rhin. Photo Claude Menninger, DRAC Grand Est.


Quelle est la mission ou le projet que vous avez le plus apprécié ?


Mes missions ont été nombreuses. La préfiguration du Service métropolitain de l’architecture et du patrimoine (SMAP) à la Direction régionale des affaires culturelles Île-de-France (DRAC ÎdF), à l’occasion de la création du Grand Paris, a été enrichissante et passionnante. Même si l’expérience du Grand Paris est un peu en stand-by pour l’instant, elle aboutira, et cela a été une grande aventure.

Capture de la présentation « Préserver les espaces publics parisiens ? Expertise et stratégie », dans le cadre des Journées professionnelles « Patrimoine Actualités », à la Cité de l’architecture & du patrimoine les 28 et 29 mars 2017.


Et bien d’autres challenges, comme celui de reprendre un service : lui redonner vie, ou une autre vie. On ne peut pas, à proprement parler, dire que l’on façonne un service à son image, mais l’empreinte d’un chef de service quand on est architecte et urbaniste de l’État au sein du ministère de la Culture est extrêmement importante. Ce qui est important aussi, ce sont toutes les relations qu’on peut engager avec les acteurs du monde public, politique et privé, et le rapport étroit qu’on a avec l’élu local, du petit village de 57 habitants à l’élu métropolitain comme ce fut le cas à Mulhouse, à Strasbourg, à Paris, etc.


Une journée ou un projet particulièrement mémorable ? Un événement qui aurait marqué une carrière ?


Quand vous passez un oral et que vous êtes retenu pour le poste, c’est un bon moment ! Quand vous êtes nommé architecte des bâtiments de France en chef de Paris et que votre future DRAC vous fait confiance, c’est un jour dont on se rappelle.


Et puis il y a les jours tout aussi mémorables, mais plus difficiles à vivre, notamment lorsque vous arrivez dans une commune alsacienne et que vous trouvez une banderole de 4 mètres de long sur la façade de la salle polyvalente où il est inscrit « l’ABF m’a tueR » parce que vous n’avez pas autorisé des panneaux photovoltaïques sur sa toiture; heureusement vous êtes accompagné d’une sous-préfète qui demande à ce qu’on enlève la banderole avant d’engager toute discussion avec le maire. J’ai écrit un livre sur ces vingt ans d’Abf que j’ai laissé dans un tiroir… parce que OUI, ça marque.


Que diriez-vous à une personne qui hésite à passer le concours d’AUE, pour la motiver ?


D’abord je pense qu’il faut avoir le sens de l’État, avec un E majuscule. Passer le concours c’est devenir un serviteur de l’État : il faut intégrer cette notion, dès le début de la mission. C’est pour moi une évidence ; je crois que quand on ne l’a pas, on ne reste pas.

Il faut être passionné. Se dire que ce n’est pas un métier, que c’est une vie : parce que ça ne s’arrête jamais, parce que quand vous êtes conservateur d’un monument de la république, c’est jour et nuit, parce qu’un préfet ou un DRAC [Directeur régional des affaires culturelles] peut vous appeler à n’importe quelle heure. C’est un choix de vie, une vie passionnante, une vie de fonctionnaire d’État, ce n’est plus celle de l’architecte maître d’œuvre.

Je pense qu’on a véritablement l’occasion d’apporter sa pierre à l’édifice, dans tous les sens du terme, et d’apporter une contribution au paysage de demain, un paysage qui se travaille au quotidien avec l’élu. Certes ce n’est pas « drôle » tous les jours, et la question des moyens dévolue aux ABF est posée, mais cette mission d’État est toujours un des plus beaux métiers de la fonction publique.



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