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Loïc GUILBOT, pourquoi AUE ?

Loïc GUILBOT est responsable du groupe Projets de Territoire et Aménagement Département des Transitions Territoriales – Cerema Ouest – Nantes.

Entretien réalisé en novembre 2020.



Comment avez-vous découvert ce métier ?


J'ai découvert le métier d'Architecte et Urbaniste de l'État par le biais d’une annonce de presse pour le recrutement d’architectes contractuels en SDAP (Service départemental de l'architecture et du patrimoine, actuelle UDAP). Pour postuler, il était nécessaire de s’engager à passer le concours d’AUE dans les 3 ans.


Pourquoi avoir choisi ce métier ?


J’intervenais dans un bureau d'études de programmation et d’Assistance à Maitrise d'Ouvrage (AMO) auprès des collectivités. Mes missions étaient ponctuelles en fonction des appels d’offres. J’ai souhaité inscrire mon action, dans la durée, sur un territoire.

J’avais un fort intérêt pour le patrimoine et réfléchir à comment inscrire cette dimension dans un projet de territoire me motivait.

Je n’avais pas conscience de la mobilité attendue dans la fonction publique, ni de toutes les possibilités qui peuvent s’offrir à un AUE pour construire un parcours professionnel en fonction de ses intérêts, pour changer de point de vue.


Pourquoi vous sentez-vous utile ?


Aujourd’hui, ma pratique est au cœur des enjeux de société que sont : l’adaptation aux changements climatiques, la réduction des ressources, la vulnérabilité et la résilience, la mobilisation citoyenne. Je travaille à l’interface de la recherche et de l’opérationnel dans les territoires.

Un AUE a accès à des postes qui nécessitent une capacité à envisager des horizons sur le temps long tout en faisant le lien avec le présent. Il faut être capable d’articuler les échelles, du bâtiment à la planète, en gardant une forte capacité de proposition au niveau local comme national.

Figure 1 : le CEREMA est partenaire du projet Eco-Terra vise à acquérir les connaissances scientifiques et techniques nécessaires pour développer des bétons de terre-chanvre, et plus largement de terre-allégée par des agro-ressources, en filière locale (source CEREMA).


En quoi votre expérience antérieure vous a conduit à ce poste et en quoi a-t-elle enrichi votre métier aujourd’hui ?


Voici rapidement mon parcours : j’ai travaillé 18 mois en CAUE, puis 5 ans en Bureau d'étude de programmation et d’AMO, filiale d’un groupe bancaire, auprès des collectivités. Ces expériences m’ont certainement permis d’avoir une posture particulière d’écoute, de compréhension et de recherche de solutions auprès des collectivités et des particuliers, d’être force de proposition.

Ensuite, comme AUE, j’ai été 8 ans Architecte des Bâtiments de France, dont 4 comme chef de SDAP, ce qui m’a donné l’opportunité de porter attention à la gestion et à la place du patrimoine légué par les générations passées. Cela nourrit aujourd’hui ma posture actuelle dont le sujet principal est le patrimoine que nous léguons aux générations futures. Avec mon équipe, nous sommes amenés à nous questionner quotidiennement : quelles créations d’aujourd’hui pour demain ? Quelles stratégies territoriales pour faire face à la montée des eaux littorales ? Quel projet alimentaire territorial ? Quelles alternatives de mobilités à l’échelle du bassin de vie ?


Comment définiriez-vous les spécificités de votre rôle d’AUE ?


Un AUE doit avoir des compétences sur des thématiques variées : urbanisme, architecture, paysage, patrimoine, foncier, habitat, aménagement opérationnel, risques, mobilité, environnement, eau ; mais également en matière de processus comme la co-construction, la participation citoyenne… Il doit être capable d’animer un collectif, une équipe, un service… Son rôle est d’être au service des politiques publiques pour la transformation des territoires face aux enjeux de la planète.


Figure 2 : Le 3 novembre 2015, le séminaire de lancement du programme national de revitalisation des centres-bourgs a initié l’animation nationale du programme (source CEREMA).


Quelle est la mission qui vous tient le plus à cœur ?


J’apprécie particulièrement de pouvoir rechercher les solutions pour permettre la transformation des territoires avec tous et pour tous, face aux enjeux du changement climatique, de l’effondrement de la biodiversité, de la réduction des ressources non renouvelables.

Figure 3 : L’espace littoral, une interface dynamique impliquant un urbanisme adapté (source Loïc Guilbot).


Est-ce que vous avez découvert une mission lors de la prise de poste que vous ne soupçonniez pas et que vous appréciez plus particulièrement ?


Le lien qu’il peut y avoir entre la recherche et les missions de terrain. Nos missions consistent principalement à explorer des sujets ou des processus pour résoudre des problématiques, pas nécessairement nouvelles mais dans des environnements nouveaux. Dans le cadre du programme "Paysage Territoire Transition", nous avons travaillé conjointement avec des territoires volontaires et des chercheurs sur la façon dont le paysage peut être un support pour engager les transitions. Dans la perspective du Zéro Artificialisation Nette, nous avons développé avec une équipe de recherche de l'INRAe d'Avignon un service web, UrbanSimul, pour identifier le plus finement possible les gisements permettant d’accueillir des constructions résidentielles, demain des gisements pour de la dés-imperméabilisation ou de l'agriculture urbaine. Ces recherches sont en permanence menées avec et sur des territoires volontaires.


Quel est (ou sont), pour vous, le (ou les) point(s) fort(s) du métier ?


Le sens de ma mission est très fort, il me donne tout autant la possibilité d’avoir des postures variées que la possibilité de m’investir sur des sujets émergents, voire même de les susciter !

Les collectifs de travail dans lesquels je m'inscris sont d’une grande richesse. Dans mon équipe sont réunis : des architectes, des urbanistes, des ingénieurs, des géographes, des juristes, une sociologue (et nous avions un paysagiste).


Quelle a été votre journée la plus mémorable ?


Comme ABF, dans le cadre d’avis simples et de rendez-vous avec les pétitionnaires, lorsque je réussissais à faire prendre conscience des incidences de l’acte de construire sur le paysage, les ressources, etc. et que les personnes repartaient heureuses d’avoir fait progresser leur projet. C’est toujours satisfaisant et c’est du gagnant-gagnant.

Au Cerema, lors d’ateliers de territoire avec des acteurs de cultures différentes, quand l’écoute est forte et que la co-construction est fructueuse, c’est très gratifiant.


Quelle est la visite la plus insolite que vous avez pu réaliser ?


Une commande du CGDD (Commissariat Général au Développement Durable) : « aidez-nous à trouver des initiatives portées par les plus fragiles de nature à faire face aux enjeux de la transition », avant les gilets jaunes.

Ces questionnements semblent assez loin des questions d'aménagement. Pourtant, nos missions s'attachent à interroger les écosystèmes territoriaux. Ici, il s'agissait d'aller plus loin encore pour que soient menés en parallèle les objectifs de sobriété et d'égalité. Pour autant, quels champs investiguer ? et comment identifier des initiatives portées par les plus fragiles alors qu'ils restent bien souvent dans l'ombre ? C'était tout l'enjeu, qui rejoignait les convictions profondes de l'équipe de travailler "pour tous" et peut-être d'abord pour les plus fragiles.


Figure 4 : ateliers participatifs pour co-construire la stratégie mobilité de la communauté de communes Estuaire et Sillon (source CEREMA).


Quel est le projet que vous avez trouvé le plus stimulant ?


Il y en a beaucoup mais, par exemple :

- Répondre à la question des modalités pour l’adaptation des territoires littoraux au changement climatique et à la montée des eaux.

- Trouver une stratégie de résilience pour une communauté de communes en matière de biodiversité,

- Dans quelles conditions et suivant quelles modalités anticiper la reconstruction post-catastrophe (au CEREMA, essentiellement pour ce qui concerne le risque d’inondation) ?


Quelles sont les difficultés que vous pouvez rencontrer et comment les gérez-vous ? Quel enseignement en tirez-vous ?


La première grande difficulté est celle plus générale de la société qui voit s’opposer des visions du monde et de ses enjeux très différents. C’est aussi une richesse… C’est un combat de tous les jours que de rendre audible son point de vue, de le défendre nonobstant le poids de la hiérarchie administrative ! Il faut se serrer les coudes, prendre de la distance, tenter d’autres approches, ne pas désespérer !

Je me demande régulièrement si la place que j’occupe est la plus opérante face aux enjeux auxquels nous devons faire face !


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