top of page

Baptiste MEYRONNEINC, pourquoi AUE ?

Baptiste MEYRONNEINC est ingénieur des travaux publics de l'État (ITPE), architecte du patrimoine (AP) et directeur du conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) de l'Ain depuis le 1er février 2021.



Comment avez-vous découvert ce métier ?


J'ai un parcours un peu particulier : j'ai fait un double-cursus d'ingénieur des Travaux Publics de l’État et d'architecte à l’École d'Architecture de Lyon, puis de Paris Val-de-Seine. J'ai commencé ma carrière de fonctionnaire au ministère de la Transition Écologique en 2007, en administration centrale, à la Direction Générale Aménagement Logement Nature (DGALN). Pendant 4-5 ans, j'ai travaillé au Bureau de l'Aménagement Opérationnel Durable, alors que se mettait en place le plan Ville Durable. J'ai pu participer à l'organisation du premier appel à projets national ÉcoQuartier et à la mise en place de la première grille d'analyse nationale des ÉcoQuartiers.


C'est à cette occasion que j'ai découvert le corps des Architectes et Urbanistes de l’État : en collaborant avec des AUE qui travaillaient dans d'autres bureaux de la DGALN, tels que le bureau en charge des Écocités ou celui qui pilote les Ateliers des territoires, mais également au PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture) et dans les ex-Centre d'Études Techniques de l'Équipement (CETE) de Rennes, Nantes et Lyon (devenus CEREMA).


Figure 1 : EcoQuartier de Hede Bazouges, 2009, photo Baptiste Meyronneinc.


Pourquoi avoir choisi ce métier ?


En tant qu'ingénieur-architecte, le corps des AUE m'a particulièrement intéressé, notamment par la diversité des postes offerts à l'issue du concours. Mon envie était de pouvoir m'épanouir dans un métier finalement assez technique, au sein du ministère de l’Écologie, qui touche à la fois à l'urbanisme, à l'environnement et à l’architecture.


Le corps des AUE me permettait aussi de marier mon intérêt pour l'architecture et le patrimoine, pour l'aspect technique du métier, mais aussi pour la notion de service public. Répondre aux questionnements et aux interrogations des élus et des collectivités locales est un élément très important pour moi.


J'ai passé le concours d'architecte urbaniste de l’État en 2012 et j'ai commencé par un poste en service déconcentré du ministère de la Transition Écologique, dans une Direction Départementale des Territoires, pendant 3 ans (la DDT du Jura, en tant qu'adjoint au chef du service Connaissance Prospective et Habitat). Ce poste d'encadrement m'a également permis de découvrir les passerelles envisageables avec le ministère de la Culture et le métier d'architecte des bâtiments de France.


Mon statut d'AUE m'a permis d'intégrer la formation DSA de l'école de Chaillot, de laquelle je suis sorti après deux années intenses de travail, diplômé en tant qu'architecte du patrimoine. J'ai poursuivi, pendant 4 ans et demi, par un poste d'architecte des bâtiments de France, en tant qu'adjoint à la cheffe de service de l'Unité Départementale d'Architecture et du Patrimoine de l'Ain, à la DRAC Auvergne Rhône-Alpes.


Ces postes m'ont permis d'être vraiment en contact, au plus proche du terrain, avec des élus du territoire de différentes tailles de communes, de petites communes jusqu'à des communes assez importantes dans les banlieues de grandes métropoles comme Lyon et Genève.


Quelle est la mission qui vous tient le plus à cœur ?


C'est vraiment la mission d'être le lien entre la règle, le normatif, et le travail sur le terrain, d'assurer un rôle d'accompagnateur, de conseiller, en portage des politiques publiques nationales et d'arriver à traduire les messages institutionnels sur le terrain auprès des élus, des collectivités et même des particuliers.


Je pense qu'un point fort de notre métier, que ce soit en DDT ou en UDAP, est d'être ce chaînon entre les politiques publiques qui peuvent s'élaborer au niveau national et les réalités auxquelles sont confrontées les élus, les services techniques d'une collectivité et, plus encore, les particuliers. Il s'agit d'arriver à défendre une certaine qualité du cadre de vie, face aux réalités du quotidien.


Pourquoi vous sentez-vous utile ?


Lorsque je travaillais à la DDT du Jura, j'ai été sollicité pour examiner un dossier ÉcoQuartier dans le cadre d'un nouvel appel à projets. Je me suis ainsi retrouvé devant une commission régionale avec d'autres experts pour défendre ce projet, pour approfondir et pour harmoniser nos approches de la notion d’ÉcoQuartier, portées au niveau régional.


Ainsi, j'ai été agréablement surpris de voir comment l'ensemble de ces experts et partenaires de l’État s'étaient approprié la grille nationale ÉcoQuartier, pour laquelle j'avais participé à la genèse, quelques années auparavant. Ce fut très satisfaisant de constater que ce travail collaboratif poursuivait sa propre vie alors qu'il avait été initié par une petite équipe dans le cadre de la mise en œuvre du plan Ville Durable : de voir comment les graines que j'avais pu contribuer à semer dans des postes précédents continuaient à évoluer ensuite.


Figure 2 : EcoQuartier Lyon Confluence, 2012, photo Baptiste Meyronneinc.


En quoi votre expérience antérieure vous a conduit à ce poste et en quoi a-t-elle enrichi votre métier aujourd’hui ?


Quand je travaillais au ministère de la Transition Écologique, je me suis interrogé sur les concours auxquels j'aurais pu m'inscrire, tels que celui des Ingénieurs des Ponts, des Eaux et Forêts. J'ai estimé que le concours d'architecte et urbaniste de l’État était la meilleure opportunité pour valoriser mon parcours d'ingénieur et d'architecte.


Cela se confirme aujourd'hui, puisqu'à partir du 1er février, je vais changer de fonction pour prendre la direction du Conseil d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement de l'Ain. Je vais pouvoir ainsi marier l'ensemble de ces thématiques : architecture, urbanisme, environnement et patrimoine. Je pense qu'il s'agit d'une véritable chance qu'offre le fait d'être fonctionnaire que de disposer de la possibilité d'enrichir notre expérience en dehors des services de l’État (via une demande de mise en disponibilité, pour 5 ans maximum).


Comment définiriez-vous les spécificités de votre rôle d’AUE ?


Je pense que l'atout vraiment fort des AUE est la compétence, acquise en tant qu'architecte, de pouvoir apporter une vision dans l'espace. C'est une compétence qui manque parfois aux techniciens de certains services de l’État, des équipes municipales ou de leurs services techniques, avec qui nous sommes amenés à collaborer quotidiennement.


Solliciter ces capacités parmi les partenaires locaux nous permet également de pouvoir partager et démultiplier notre vision architecturale et urbaine sur le territoire, notre dimension prospective d'appui aux élus : en partenariat avec les CAUE, les Architectes-Conseils et les Paysagistes-Conseils de l’État en DDT, etc.


Est-ce que vous avez découvert une mission lors de la prise de poste que vous ne soupçonniez pas et que vous appréciez plus particulièrement ?


Une mission un peu spécifique que j'ai découvert en tant qu'architecte des bâtiments de France et à laquelle je ne m'attendais pas est la collaboration avec des associations en faveur de la préservation et de la protection du patrimoine non protégé.


En tant qu'architecte des bâtiments de France, j'imaginais surtout que j'allais travailler sur du patrimoine monumental, sur des monuments historiques et sur leurs abords. Or, en arpentant le territoire avec les délégués de la Fondation du Patrimoine, j'ai vraiment découvert la richesse du patrimoine non protégé. J'ai pu aussi rencontrer des propriétaires privés qui ont vraiment à cœur de réhabiliter leurs biens : du petit patrimoine rural, mais également du patrimoine assez exceptionnel, des manoirs, des maisons de maîtres, des éléments parfois assez étonnants, qui mériteraient dans certains cas d'être protégés.


Figure 3 : Courtes, ferme de la forêt, 2016, photo Baptiste Meyronneinc.


Quel est pour vous le point fort (ou les points forts) du métier ?


De mon point de vue, un des points forts du métier et du rôle d'AUE est que nous pouvons occuper des postes vraiment très diversifiés en DDT, en UDAP ou dans les autres structures de l’État.


Au ministère de la Transition Écologique, en tant qu'architecte et urbaniste de l’État, nous portons une vaste diversité de thématiques et de politiques publiques dans les domaines du logement, de l'habitat, de l'urbanisme et de l'aménagement. Et en tant qu'architecte des bâtiments de France, nous portons bien sûr, toutes les politiques publiques liées au patrimoine, au paysage.


Enfin, un autre point vraiment original pour moi est l'existence de toutes ces passerelles entre nos deux ministères (Écologie et Culture).


Aujourd'hui, je découvre encore des outils, des métiers et des missions qu'il est possible d'exercer en tant qu'AUE et ce, bien qu'étant fonctionnaire de l'État depuis déjà 13 ans. Il y a une telle diversité de territoires en France, de structures, d'échelles d'intervention, que ce soit en département, en région ou au niveau national, que je pense que nous pouvons vraiment construire notre propre parcours en fonction des thématiques qui nous intéressent ou en fonction des territoires ou des problématiques territoriales sur lesquelles nous avons envie de travailler.


Quelle a été votre journée la plus mémorable (sens négatif comme positif) ?


Je pense à une journée que j'ai passé lors de ma première ou deuxième semaine en tant qu'architecte des bâtiments de France, à l'UDAP de l'Ain. J'ai été « convoqué » dans les locaux d'une collectivité par le maire et ses adjoints pour expliquer un avis négatif émis sur un permis de construire. Je me suis retrouvé tout seul face à plusieurs élus, des promoteurs, des architectes et plusieurs avocats du promoteur, pour justifier l'avis que mon prédécesseur avait donné sur le projet. J'ai eu le sentiment de me retrouver presque dans la même situation que lors de l'épreuve orale que j'ai passée devant le jury qui m'avait auditionné pour le concours d'AUE !


Avec le recul, j'ai réalisé que les épreuves auxquelles nous étions soumis lors du concours n'étaient pas uniquement des épreuves de style, mais que leurs formats pouvaient vraiment correspondre à la réalité. Finalement, nous sommes formés pour ces situations : nous avons cette compétence et cette connaissance du territoire pour défendre un point de vue.


Il faut pouvoir justifier un avis sur des critères très objectifs et vraiment mettre de côté la subjectivité d'un projet, loin du « c'est beau / ce n'est pas beau », être au-delà de l'esthétique. En tant qu'AUE, notre rôle est de rester sur la question de la qualité et de l'adaptation d'un projet à son contexte.


Mais c'était une journée assez mémorable après laquelle je me suis dit que le métier d'architecte des bâtiments de France n'allait sans doute pas être tous les jours facile !


Quelle est la visite la plus insolite que vous avez pu réaliser ?


En tant qu'architecte des bâtiments de France, nous découvrons beaucoup de pépites en matière d'architecture ou de petit patrimoine. Notamment, pendant la formation post-concours AUE, j'ai eu la chance de visiter avec l'ABF du département de la Seine-Saint-Denis, Bruno Mengoli, la cathédrale de Saint-Denis et plus particulièrement d'en visiter la charpente.


Ensuite, en 2015, lors de ma formation d'architecte du patrimoine à l'école de Chaillot, réalisée lorsque j'étais en poste en DDT, j'ai eu la chance d'aller visiter la charpente de la Cathédrale Notre-Dame de Paris avec Benjamin Mouton, qui en avait la charge en tant qu'Architecte en Chef des Monuments Historiques. Ces visites étaient à la fois insolites et vraiment exceptionnelles ; peu de gens, je crois, ont eu l'opportunité de les réaliser.

Figure 4 : flèche de Notre-Dame, mai 2015, et charpente de la basilique Saint-Denis, avril 2013, photos Baptiste Meyronneinc.


Quel est le projet que vous avez trouvé le plus stimulant ?


Lorsque j'étais à la DDT du Jura, j'ai participé à l'organisation d'ateliers de territoire avec les étudiants de l'école d'architecture de Nancy. J'ai piloté cet événement conjointement avec la DDT, le CAUE du Jura et le Parc Naturel Régional du Haut-Jura. Il s'agissait, en lien avec l’enseignant Marc Verdier, de trouver des communes disposées à accueillir les étudiants, d'élaborer un programme de visites et de rechercher des terrains supports de projets. J'ai trouvé ce projet particulièrement motivant à construire et à suivre pendant la semaine de présentation sur place, puis durant la tenue des ateliers de projets avec les étudiants, à l'école d'architecture de Nancy.


Figure 5 : publication hors les murs, Haut-Jura, 2014.


J'ai eu l'occasion de réitérer cette expérience en tant qu'architecte des bâtiments de France, à l'UDAP de l'Ain, dans des ateliers montés avec l'école d'architecture de Lyon, en partenariat avec la DDT de l'Ain et le CAUE de l'Ain, sur les deux communes du département que sont Nantua et Belley. Cette expérience m'a permis de retrouver cette émulation, cette stimulation d’organisation de visites, de recherche de terrains à enjeux.


Je trouve très riche de pouvoir croiser avec les étudiants la connaissance du terrain que nous portons avec leurs visions un peu originales et novatrices, parfois. Nous réalisons qu'à force de travailler sur un terrain, nous pouvons ne plus en percevoir ni les atouts, ni les inconvénients.


Enfin, je trouve passionnant ce travail en partenariat, de développement de liens et même de transmission avec les étudiants architectes. J'ai apprécié pouvoir leur montrer la diversité de nos métiers et leur rappeler qu'un architecte ne se limite pas forcément à la maîtrise-d’œuvre. Il existe aussi des missions passionnantes dans les services de l’État ou dans d'autres structures partenaires comme un PNR, un CAUE, ou autre.


Quelles sont les difficultés que vous pouvez rencontrer et comment les gérez-vous ? Quel enseignement en tirez-vous ?


Une difficulté partagée par beaucoup d'UDAP est, je pense, le fait d'être souvent de petits services avec une importante masse de travail. Nous sommes sollicités sur beaucoup de dossiers pour des avis. Ce qui peut-être un peu compliqué ou frustrant est d'arriver à sélectionner, hiérarchiser et prioriser nos missions, d'apprendre à s'épanouir en gérant cette frustration, de ne pas pouvoir aller jusqu'au bout de certains dossiers.


C'est peut-être une déformation d'architecte : vouloir dessiner le projet dès que nous sommes sollicités pour un avis ! Mais il faut arriver à se limiter à ce que notre mission implique, nous ne pouvons malheureusement pas tout faire quand on est en UDAP, ni en DDT d'ailleurs. Il est nécessaire de travailler en collaboration avec des partenaires, pour traiter certains sujets transversaux.



Pour partager cet article :

20210216_EntretiensAEAUE_BaptisteMeyronn
.
Download • 6.71MB

bottom of page